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Le futur des manchots royaux dans l'océan austral
Le modèle de niches écologiques développé dans cette étude a pris en compte plusieurs facteurs biophysiques : la présence de prédateurs et de terres libres de glace, la distance à parcourir pour les manchots pour rejoindre le front polaire antarctique et enfin, la concentration de glace de mer.
Les aires d'alimentation des manchots royaux se situent vers le sud, dans le front polaire antarctique, une zone de convergence entre plusieurs courants aux caractéristiques océaniques différentes. Cette zone au dynamisme turbulent se trouve propice au développement de la base de la chaîne alimentaire ainsi qu’aux proies dont se nourrissent les manchots qui, de surcroît se trouvent ici à une moindre profondeur. La position de ce front polaire antarctique, très asymétrique autour du continent antarctique, se situe entre 44°S et 64°S. Sa position varie également d’une année sur l’autre et peut parfois se situer 200 km plus au sud que sa position moyenne. Cette distance affecte directement l’effort de nage et de plongée des manchots ainsi que la durée de leur séjour en mer qui lorsqu’il dure trop longtemps affecte à son tour, le cycle de nourrissage du poussin resté à terre. Cette étude estime une limite maximale à 700 km, entre l’aire d’habitat terrestre et l’aire de nourrissage dans le front polaire.
La position du front polaire est calculée à partir de données satellites et modèles de la température de surface de la mer (SST) avec l’isotherme 5°C.
La concentration de glace de mer (banquise) durant l’hiver limite l’expansion des manchots royaux vers le sud, car son cycle de reproduction hivernal est conditionné par la présence d'eau libre. La concentration de glace de mer est estimée à partir d'observations combinées in-situ et satellites. La limite de concentration de 15% de glace de mer, durant les mois d'extension maximale (août-septembre) est retenue.
Aire de répartition d'habitats terrestres des manchots royaux sur les îles sub-antarctiques pour la période contemporaine, de 1985 à 2005 (à gauche) et en 2100 (à droite), les prévisions de répartition dans le cas du scénario le plus pessimiste, RCP8.5. Avec la souris, survolez les images pour voir apparaître le nom des 15 îles. Les points oranges correspondent aux îles colonisées, les points bleus correspondent aux îles où la présence de glace terrestre/glace de mer empêche la création d'une colonie, les points gris représentent les îles trop éloignées du Front Polaire Antarctique et les points blancs correspondent aux îles qui nont jamais été occupées. Le trait discontinu rouge correspond à la position du Front Polaire Antarctique en février matérialisé par l'isotherme de la SST=5°C, la zone bleu/vert correspond à l'extension de la glace de mer du mois de septembre, dont la concentration est <15%. Crédits Nature Climate Change.
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Dans le cas d’un scénario de réchauffement climatique des plus pessimistes (RCP8.5, "business-as-usual"), correspondant à la situation où aucune politique de changement climatique n'est mise en place, cette étude estime que près de la moitié de la population mondiale du manchot royal devrait perdre son aire d’habitat (sur les îles Crozet et Prince Edward) et 21% verront sans doute leur aire d’habitat fortement altérée en raison de distances régulièrement proches de la limite maximale vers le front polaire (sur les îles Kerguelen, Malouines (Falklands) et la Terre de Feu). D’autres îles pourraient être colonisées ou potentiellement accueillir des colonies plus importantes, et peut-être compenser la perte des habitats précédents : les îles Bouvet, Heard et Géorgie du Sud. Ces deux dernières îles, avec l'île Macquarie, sont les plus susceptibles de devenir le meilleur refuge pour le manchot royal, dans les décennies à venir.
Publication scientifique
- Robin Cristofari, Xiaoming Liu, Francesco Bonadonna, Yves Cherel, Pierre Pistorius, Yvon Le Maho, Virginie Raybaud, Nils Christian Stenseth, Céline Le Bohec & Emiliano Trucchi (2018) : Climate-driven range shifts of the king penguin in a fragmented ecosystem. Nature Climate Change, volume 8, pages245–251 2018, https://doi.org/10.1038/s41558-018-0084-2